Retour rude

Arlequin avait enfin retrouvé son corps et comptait bien en profiter pour le temps que ça durait. Sa première idée fut d’aller retrouver les siens qui au fond lui manquaient bien. Il se téléporta à l’hôpital mais ne trouva qu’un champ de ruines. Qu’est-ce qui c’était passé en fait? Oui…il se souvenait maintenant. Le tremblement de terre, les Black Wings étaient ailleurs. Il devait les retrouver et la façon la plus facile était de retrouver une personne précise. Il se concentra un moment pour la revoir. Son souvenir lui semblait si lointain mais pourtant il se souvenait tant d’elle que c’était comme regarder une photo. Leur relation avait peut-être été un secret mais Lully avait réussi quelque chose d’assez exceptionnel, se faire aimer des deux côtés d’Antonin. Arlequin aimait sa fougue, ce côté sombre et cette rage sommeillant en elle. Antonin aimait cette douceur, ce sentiment d’être aimé de quelqu’un d’autre malgré tout ce qu’il y avait de sordide et noir autour d’eux. En réfléchissant et en se concentrant, il réussit à la voir parfaitement et pu se téléporter près d’elle. Ça ne fonctionnait que très rarement et surtout avec certaines personnes spéciales pour lui. Leur relation était restée secrète. Arlequin avait décidé que c’était mieux ainsi à cause de son rôle d’assassin, ce n’était pas bon pour sa réputation et c’était quelque chose de très important dans la hiérarchie des assassins chez les Black Wings.

- Lully

Elle n’avait pas changé. Toujours aussi…irrésistible. Le grand sourire se dessinant sur son masque était en tout point commun à celui se traçant sur son visage. Elle était devant lui, de dos. Et, sans doute en l’entendant prononcer son nom. Elle était sur le point de se retourner et il posa aussitôt ses mains sur sa taille.

- Toujours aussi magnifique.

Arlequin ne s’était pas attendu à un accueil parfaitement chaleureux mais il n’avait pas prévu qu’elle le menace ainsi. Levant les mains en signe d’innocence, il la regarda un instant. Oui, il était parti chez les Solciers. Enfin, Antonin était parti chez les Solciers, il n’avait rien à voir là-dedans.

- Lully voyons tu n’es pas contente de revoir ton petit Arl?

Leur histoire avait commencé sans trop d’espoir et plutôt par un petit dérapage. Arlequin était rentré d’une mission et avait été blessé. Lully était à l’infirmerie. Elle était arrivée depuis peu car c’était la première fois qu’il la voyait. Avec les siècles, Arlequin n’avait jamais trouvé une créature assez intéressante pour attirer son attention. Tout ce qui l’avait toujours intéressé était de s’amuser au dépend des autres. Oui, ça façon de s’amuser était un peu particulière parfois et c’était pourquoi il était si doué dans son travail. Il avait poignardé un médecin l’embêtant un peu trop et ça l’avait fait rire. Il n’en fallut pas plus.

Elle s’agitait un peu trop à son goût. Arlequin fit disparaitre le couteau de ses mains pour le faire réapparaitre dans les siennes. Il n’avait aucunement l’intention de lui faire du mal, du moins pas comme ça.

- Ce ne sont pas mes amis, ce sont les siens et…enceinte?

Arlequin n’avait pas l’habitude de ne plus savoir quoi dire. C’était bien la dernière chose qu’il aurait cru entendre ce jour-là. Lully enceinte? Aucune partie de lui n’était au courant de ça! Ça voulait dire qu’ils avaient un…enfant? Une ignoble petite chose grouillante, une vermine pire que les rats. Au moins, un gamin c’était facilement modelable, on pouvait en faire tout ce qu’on voulait. Arlequin croisa les bras, hors de question qu’il perde le contrôle de la situation. Il reprit d’ailleurs comme si de rien n’était.

- Je suis venu pour toi ma jolie. Je sais que je t’ai manqué. Il s’approcha pour la saisir par le bras mais elle ne semblait pas vouloir le laisser faire. « J’adore quand tu fais ta farouche. On s’amusait tellement tous les deux. »

Son masque était un refuge. Longtemps, c’était ce qui lui avait permis de garder le contrôle. Maintenant, c’était sa marque de commerce. Parmi les Black Wings, il ne l’avait jamais enlevé, sauf avec elle. Lully était la seule qui avait vu son visage ravagé qu’il avait longtemps considéré à peine humain. Il avait su que c’était spécial quand elle avait posé les yeux sur son visage. Elle n’avait pas eu de réaction de dégoût. Mais en ce moment, elle était toujours aussi en colère.

- Il n’est plus ici pour le moment et c’est très bien comme ça. On est bien mieux juste tous les deux. Et le gamin quelque part qui devait trainer mais peu importe, il n’en avait rien à faire d’un bébé. Arlequin n’avait pas trop eu conscience de la quantité de temps qui s’était écoulée depuis la dernière fois qu’il avait vu Lully. Il faut dire que quand on vit depuis des siècles en alternance avec un idiot dans un corps, la notion de temps devient assez floue. À ses yeux, Lully n’avait pas tant changé. Sans doute qu’elle avait quelques nouvelles cicatrices avec tout ce qui c’était passé mais peu importe.

- Tu ne vas pas te fâcher ma belle hein, pas contre moi après tout ça. Il s’approcha d’elle encore un peu. Arlequin savait très bien que si elle avait voulu lui faire du mal ça serait déjà fait. Elle lui demanda d’enlever son masque. Pourquoi tenait-elle à ce qu’il fasse ça alors qu’en fait elle savait très bien qu’il détestait se débarrasser de son masque et ce même s’il l’avait déjà fait quelque fois avec elle. C’était bien la seule à l’époque à avoir vu son vrai visage et à avoir rencontré ce pauvre Antonin prisonnier, spectateur impuissant des horreurs commises par Arlequin.

Il était tout près d’elle, jouant avec le couteau entre ses mains. Il le lança contre le mur, passant tout près de la tête de Lully et fit les quelques pas le séparant encore d’elle. D’une main, il attrapa le bas de son masque et le tira vers le haut pour l’enlever. Sur son visage tout à fait humain et très différent de celui que Lully avait connu, se dessinait un sourire qui lui était particulier. Il représentait bien toute la complexité du jeu qui se jouait constamment dans cet esprit. À la fois cruel et doux, inquiétant et rassurant.

- Aller Lully, tu vas voir on va bien s’amuser maintenant.

Arlequin pensait enfin pouvoir retrouver sa vie d'avant qui lui manquait tant. Des morts, une femme superbe, que demander de plus? Oh ouais il y avait un gamin dans le portrait apparemment mais bon il suffisait de l'asseoir devant la télé pour avoir la paix. Pour l'instant, il comptait bien profiter d'un petit moment avec Lully. Elle semblait du même avis car ce fut elle qui dit le dernier pad les séparant pour l'embrasser. Son masque était en train de tomber par terre mais au dernier moment quand il frôla sa jambe dans sa chute, Arl le téléporta sur la table du salon qu'il avait vu du coin de l'œil. Ils s'emballèrent sans doute un peu car plusieurs objets de trouvant à l'origine sur le comptoir de la cuisine se retrouvèrent sur le sol. Malgré son habitude et son penchant pour la discrétion, Arlequin ne s'en soucia pas. Il entendit alors une voix qu'il connaissait. Maman? Donc c'était le gamin...avec une voix de fille...avec la voix de la fille qu'il avait failli tuer juste avant.

Arlequin lâcha Lully et se retourna. Oui, c'était bien la même gamine. Elle était plus grande qu'il aurait cru. Au moins il n'aurait pas a dire à Lully de changer des couches. « Hey viens dire bonjour à papa. » Maintenant, il comprenait pourquoi elle avait ce pouvoir de téléportation, c'était sa fille. Bon, elle en semblait pas particulièrement brillante ou quoique ce soit mais avec un peu d'entraînement elle devrait être capable de survivre.

« Elle est pas mal? Elle en a eu combien? À son âge elle doit bien être à une dizaine au moins. » Oui, il parlait bien de meurtre. Pour lui, c'était normal, c'était comme aller à l'école. La fille devant lui avait quoi...au moins 10 ans non? Oui, le temps n'était vraiment pas son fort. Ça lui semblait inconcevable que Lully ait voulu éloigner sa fille du monde qu'il aimait tant. Evidemment, Arl n'avait pas vraiment vécu sous le règne d'Edward, il ne savait pas à quel point l'échec avait été cuisant et ce que Lully avait dû faire pour rester en vie et protéger Flore.

Arlequin pouvait sembler insouciant, ne vivant que pour s'amuser sans plus et souvent au dépend des autres. Mais, il n'était pas qu'un bouffon, il réfléchissait à ses gestes et même s'il poussait toujours les limites, il n'était pas suicidaires. S'il avait pu, il n'aurait pas laissé Lully, surtout pas avec Edward. Mais il faut croire qu'Antonin avait choisi entre Lully et sa propre vie. Arl ne savait pas si elle était au courant du fait qu'Antonin n'avait véritablement quitté les Black Wings que parce qu'il avait presque trouvé la mort à cause d'Edward. Il préférait ne pas lui dire, la laisser être en colère contre lui. Oui, il était un peu jaloux de lui-même. Il partageait la femme qu'il aimait avec son autre moitié.

Arlequin n'apprécia pas du tout les qualificatifs que sa fille lui donnait. Lully le savait, jamais il ne lui aurait fait de mal à elle mais à Flore? C'était difficile à savoir venant de lui. Il disparu soudainement pour réapparaître tout juste derrière Flore dans les escaliers. « Un peu de respect nabot. À ta place je me tairais si je n'avais même pas tué un gamin. » Quand elle se retourna, il s'avança vers elle pour la faire reculer jusqu'au bas de marches. À chaque pas qu'il faisait, un élément de son costume d'assassin apparaissait. Son costume , ses bottes, ses gants, son chapeau de bouffon et finalement son masque au grand sourire qui ne laissait entrevoir qu'un regard déterminé.

- Sâche petite sotte que je ne suis pas fou, je suis la folie qui s'insinue lentement en chacun de ses misérables êtres rampant. Je ne suis pas un psychopathe, je suis un messager. Je pourrais t'écorcher comme un lapin avant même que tu ne réalises ce qui se passe. En prononçant ces dernières paroles il posa sa main ganté sur la joue de Flore. Un geste infiniment délicat qui contrastait avec les menaces qu'il venait de proférer. « Un pauvre petit lapin à la fourrure beaucoup trop pure. » Cette fois, on aurait dit qu'il allait la gifler mais il recula plutôt d'un pas. Il y avait quelque chose d'imposant dans cet étrange personnage qui malgré son costume ne donnait pas du tout envi de rire.

- Le bouffon lui a arraché la langue on dirait. Tant mieux car elle doit apprendre à se taire, se taire et écouter, se taire et obéir. Les paroles en l'air sont un handicap quand on ne sait pas les manier, première leçon.

Sa petite scène avait produit l'effet escompté. Flore y penserait a deux fois avant de lui parler comme ça. Et maintenant au moins il aurait la paix avec Lully. Au fond, il était quand même assez content de voir qu'il avait une enfant et qu'en plus elle avait son pouvoir, mine de rien, ça le rendait fier. Lully lui avait expliqué ce qui était arrivé avec Edward, le chaos total qui avait régné. Il fallait avouer, Edward avait été brillant sur un point, il s'était rapidement débarrasser de tout ceux qui auraient pu réellement mettre en péril son règne.

Flore était partie. Arlequin reporta donc son attention sur Lully. « Je lui ai peut-être fait un peu peur. » dit-il avant de rire un peu. C'était le genre de réactions auxquelles il était habitué mais c'était toujours aussi drôle de voir comment il arrivait à terrifier les gens avec quelques menaces. Quelque chose changea dans ses yeux, son regard n'était plus le même. Il semblait un peu perdu, surpris. Antonin avait perdu le contrôle de son corps. Pourtant, quand ça arrivait, il restait conscient de ce qui se passait autour de lui, c'était comme être spectateur. Arlequin ne s'était pas manifesté depuis longtemps et Antonin avait été surpris d'y être confronté soudainement. Quand il était retourné dans le temps, le mémoire d'Antonin avait été sérieusement affecté mais depuis qu'Arlequin reprenait en puissance, les souvenirs devenaient confus mais tout de même de plus en plus présent. Il ne se souvenait plus de cette histoire de Black Wings, il se souvenait avoir vécu séparé de son maître longtemps. Il regarda un instant la femme devant lui. Il enleva le masque sur son visage, ne se sentant pas particulièrement à l'aise avec.

- Lully? C'est ça? Il avait la vague impression de la connaître. Oui, il avait bien vu la manière...irrévérencieuse avec laquelle Arlequin avait agi en sa présence. Elle était jolie et d'après ce qu'il avait compris, ils avaient même un enfant ensemble, mais il était quand même un peu gêné.

Antonin essayait de réaliser ce qui était en train d’arriver. Voilà que cette cinglée le tenait contre un mur alors qu’il n’avait même pas voulu se rendre là au départ. C’était cet étrange personnage, celui qui se faisait appeler Arlequin qui lui parlait parfois qui l’avait envoyé là, qui était venu voir cette femme.

- Vous en faites pas madame je veux pas être ici non plus…

Se faire dépecer par une inconnue ne faisait effectivement pas partie de ses plans. Mais il était censé faire quoi! Il aurait pu se téléporter mais de un, il aurait couru le risque de l’amener avec lui et de deux il n’aurait pas pu en savoir d’avantage sur ce qui lui arrivait. Antonin essayait de faire des efforts, de se rappeler, il savait que cette femme était quelque part au fond de sa mémoire et pas seulement chez Arlequin. Pourquoi tout le monde semblait le prendre pour un autre? Il ne se souvenait de rien d’autre que d’avoir grandi avec son maitre. Pourtant, beaucoup de choses semblaient lui échapper. Il regarda Lully dans les yeux un moment et avait l’impression d’y lire beaucoup de choses, beaucoup de sentiments contraires.

- Je ne sais pas de quoi vous parler…mais si vous pouviez juste me lâcher je n’ai pas vraiment envie de devoir utiliser la force.

Autant Arlequin n’avait pas changé, autant Antonin était différent sur plusieurs points. Dans sa façon de parler par exemple mais aussi dans son physique. Non seulement son visage était-il normal mais il était plus jeune qu’il aurait dû l’être même si auparavant il avait cessé de vieillir il avait déjà l’air plus âgé. Là, il semblait n’être qu’au début de la vingtaine sans plus, bien trop jeune en tout cas pour être le père de l’adolescente qui venait de quitter la maison. Lully ne semblait pas vouloir collaborer. Antonin lui prit le bras qui le retenait et le lui tordit pour la faire lâcher prise. Quand il fut libéré de son emprise, il s’éloigna un peu.

- Je pense qu’on va devoir se parler calmement un peu d’accord. Je ne vous veux pas de mal, je sais seulement que vous êtes Lully et que lui vous…connaît bien d’après ce que j’ai pu voir.

Phil était inquiet. Non seulement à propos de ce qui lui arrivait, de la confusion qui régnait dans son esprit mais aussi parce qu’il n’avait pas eu de nouvelles de Flore depuis ce matin-là…ni d’Antonin d’ailleurs. Peut-être qu’elle avait eu des ennuis avec les Black Wings…ils existaient encore après tout et s’ils les avaient vu tous les deux ça avait pu lui apporter des problèmes. Phil n’avait jamais été très démonstratif quand il ressentait quelque chose, ce qui ne l’empêchait pas de s’inquiéter pour sa famille et pour sa petite amie. Est-ce qu’il pouvait vraiment l’appeler comme ça? Après tout, ils ne s’étaient embrassés qu’une fois…même si â faisait un moment que Phil espérait se rapprocher d’elle. Elle n’était pas comme les autres filles, il se sentait bien avec elle. Il avait essayé de l’appeler quelques fois sans grands succès. Inquiet, mais au moins il n’entendait plus cette voix depuis la dernière crise, Phil se rendit au parc. Il y allait souvent avec Elliot pour passer le temps mais son meilleur ami n’était pas en état de se promener avec sa jambe. Tout ça à cause de Collin…Phil avait de plus en plus de mal à le sentir celui-là. En marchant au parc, il la vit assise sous un arbre. Il ne put empêcher un grand sourire d’illuminer son visage.

- Flore!

D’un pas un peu plus pressé, il alla la rejoindre. Les temps étaient difficiles pour beaucoup mais la voir, savoir qu’elle allait bien lui réchauffait le cœur. Quand il la voyait, quand elle ouvrit les yeux pour le regarder, il se sentit fondre. Logan lui avait dit qu’il ne devait pas s’attacher aux autres, qu’ils étaient utilisables et pouvaient être sacrifiés, mais en y repensant, Phil se disait que Logan n’avait jamais dû aimer qui que ce soit pour pouvoir penser ainsi.

- J’étais inquiet tu me répondais pas.

Il s’assit près d’elle. Normalement, Phil gardait toujours une certaine distance entre lui et les autres mais avec Flore, il se sentait à l’aise. Depuis ce baiser surtout, depuis qu’elle lui avait apporté son aide, il se disait qu’il pouvait se le permettre. C’est alors qu’il remarqua que quelque chose n’allait pas chez elle. Elle semblait troublée et il n’avait pas eu l’habitude de la voir comme ça. Il faut dire qu’au début, Flore avait été pour lui la fille la plus hot de l’école et son attirance première était sûrement venue du côté plus….hormonale. Il fallait bien l’admettre. Mais, au-delà de cet aspect, Phil avait découvert que c’était plus que ça, que contrairement aux autres filles, Flore était plus qu’une paire de seins sur pattes.

- Y’a quelque chose qui va pas?

Il savait qu’elle était une Black Wing et se demandait s’ils ne lui avaient pas mené la vie dure. Qu’est-ce qu’ils pouvaient faire contre ça? Philippe considérait que de toute façon, ce n’était pas bien mieux chez les Solciers car à cause de son supposé lien avec Edric, il était toujours bien surveillé et devait trouver des moyens de "s'enfuir" pour pouvoir faire ce qu'il voulait.