I think I need help...

Tout ça l’avait affecté bien plus qu’il ne l’aurait voulu. Phil ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il se posait mille-et-une questions mais n’osait les poser à personne. À qui pouvait-il espéré en parler de toute façon? Personne ne comprenait vraiment sa situation. Son père était un psychopathe, tout comme celui qu’il avait ensuite considéré comme son père. Phil se demandait pourquoi il était toujours près de ce genre de personnes. Et maintenant Logan…Bon Logan n’était peut-être pas un psychopathe au même degré qu’Edward et Sven mais c’était quand même loin d’être quelqu’un pouvant être jugé comme « fréquentable ». Est-ce qu’il allait devenir comme ça lui aussi? Est-ce que son prochain père mourrait lui aussi…Ce n’était pas la mort d’Ed en tant que tel qui l’affectait, c’était d’être confronté à la perte de deux figures paternelles. Phil n’avait pas vu le corps de Sven. Sa mort avait donc été quelqu’un chose qui avait mis du temps à être concret pour lui et de voir Edward lui avait rappelé tout ça.

Suite à la prise d’otage, Phil avait passé la plupart de son temps isolé. Il était allé voir sa mère quelque fois pour essayer de se vider le cœur mais n’avait en fait pas vraiment réussi à lui dire grand-chose. Il n’avait évidemment pas revu Flore dans les derniers jours mais l’avait texté quelques fois pour donner signe de vie, prétextant qu’il devait se reposer à cause de sa blessure. Il avait donc eu le loisir de réfléchir et surtout de ressasser toutes sortes de chose. Si bien qu’en se voyant dans un miroir un matin, il réalisa qu’il leur ressemblait et ça lui fit affreusement peur. Alors il décida de changer d’apparence comme il pouvait le faire. Ses cheveux flamboyants prirent une teinte sombre et s’allongèrent. Il était un peu plus grand, plus chétif. Il eut un souci avec ses yeux. Il ne savait pas quoi en faire. Il les laissa donc normaux du moins c’était ce qu’il crut jusqu’à ce qu’il remarque qu’ils avaient virés au violet. Sans doute était-ce ce qui allait le mieux avec son nouveau look de toute façon.

Il n’avait plus la même attitude. Il n’était plus aussi exubérant et ne paraissait pas aussi sur de lui qu’avant. Il était troublé et ne pouvait le cacher. Flore n’était pas éternellement dupe. Tout ce temps pour soigner une blessure mineure. Phil dû donc se résigner à sortir de sa tanière pour aller la voir. Il espérait que cela lui fasse du bien. Il lui donna donc rendez-vous dans un petit café tranquille. Par respect pour ses pères, Phil ne portait que du noir et avait enlevé ses piercings. Il était difficilement reconnaissable mais son visage était toujours le même. Il se rendu au café à pied et s’installa à une table. Il reste là à ne rien faire jusqu’à ce que Flore entre. Il lui fit signe mais elle ne sembla pas le reconnaître.

- Je suis ici. Au moins, elle reconnaitrait sa voix. Phil ne savait pas ce qu’il faisait là. Elle allait lui poser des questions auxquelles il n’avait aucune envie de répondre.

Elle était en retard. Il avait cru pendant un moment qu’elle ne viendrait pas. Phil se demandait s’il n’était pas trop tard, s’il ne l’avait pas fait attendre trop longtemps et qu’elle avait décidé de passer à autre chose. Mais, finalement, elle était arrivée. Il avait fallu un moment à Flore pour qu’elle le reconnaisse et vienne le serrer dans ses bras. Phil la serra contre lui un moment. Sa présence lui avait manqué. Il remarqua aussi qu’elle était plus habillée que d’habitude. Ça ne le dérangeait pas. Elle était tout aussi jolie comme ça.

- Tu m’as manqué aussi. lui avoua-t-il avec un léger sourire. Ça le rassurait de la voir là. Après tout, la vie continuait et il pouvait sortir avec la fille qu’il aimait. « Le noir c’est juste hum…mon père est mort en fait pendant la prise d’otage. » De toute façon, Flore ne savait pas qui était son père. En voyant sa tête Phil s’empressa de rajouter pour la calmer.

- C’est pas si grave, on était pas vraiment proche. Je l’ai jamais vraiment connu en fait. Ça m’a juste rappelé beaucoup de choses. La voix de Sven qui lui criait de courir raisonnait encore parfois dans sa tête. Il ne pouvait s’empêcher de se demander si, s’il était resté avec lui ce jour-là, s’il s’était battu avec Nathe, est-ce qu’ils auraient pu s’en tirer tous les deux? Mais cette fois-là, il l’avait écouté et c’était enfuit.

- Ça va toi?

Il avait bien remarqué les changements chez elle et se demandait si au fond il lui était arrivé quelque chose elle aussi dans toute cette histoire. Il ne lui avait pas tant parlé de l’événement et ne savait toujours pas où elle vivait pendant tout ce temps ou avec qui comme personne n’était venu la chercher à l’école. Phil voulait simplement passer un bon moment avec Flore.

- Désolé de pas avoir voulu te voir plus tôt…j’avais besoin d’un peu de temps pour prendre du recul. Il s’était dit qu’elle en avait peut-être eu besoin elle aussi mais les gens ne réagissent pas toujours de la même façon à ce genre d’événements.

-Tu peux venir chez moi si tu veux, mon beau-père va peut-être chialer mais on s’en fou et il y a bien assez de place.

S’il pouvait lui rendre service et passer plus de temps avec elle c’était parfait. Il la comprenait de vouloir s’éloigner de ceux qui la dérangeaient mais ne se doutait pas de quoi il était question alors. Jamais il n’aurait imaginé être en face d’une Black Wing que son père avait envoyé à l’origine pour le tuer. Phil se prit un café pour essayer de se donner un peu plus d’énergie, espérant ne pas avoir trop l’air d’un zombie.

- On pourrait ouais, je vais essayer de ne pas être trop pénible. dit-il avec un sourire.

Phil se sentait bien avec Flore, il n’avait pas à jouer la comédie. Sa réputation n’était pas ce qui intéressait la jeune femme. Sûrement pas son apparence non plus, de toute façon si c’était ça ce ne serait pas un problème comme il pouvait ressembler à qui elle voulait. Il ne questionnait plus trop ses sentiments pour Flore, mais il ne voulait pas lui sauter dessus et qu’elle croit qu’il la considérait simplement comme les autres filles. Il voulait lui faire comprendre que c’était du sérieux avec elle, qu’il l’aimait.

- Mon père c’était Edward tu sais…l’ancien chef des Black Wings. Inutile de vraiment le spécifié mais mieux valait ne pas risquer la confusion. « Il a violé ma mère et je suis le résultat de ça. » Une chance qu’il lui avait précisé qu’il ne connaissait pas vraiment son père, ça aurait pu très mal paraître. « Celui que je considère comme mon père est mort aussi il y a peu de temps. Il s’appelait Sven. Il s’est fait tuer par les Black Wings en me défendant alors qu’Edward les avait envoyés pour me tuer. » Cette seconde partie fut plus difficile à dire. C’était vraiment cette disparition qui avait fait le plus de mal mentalement à Phil. Il n’en avait pas vraiment parlé à qui que ce soit mais il se sentait terriblement responsable du sort de celui qui avait consacré sa vie à le protéger.

Il s’en voulait un peu de parler de choses aussi peux agréables, mais il voulait être honnête avec Flore. Elle avait le droit de savoir. Et puis, Edward était mort de toute façon alors il n’était plus une menace pour lui.

Phil resta sans voix face à la révélation de Flore. Il avait cru qu’elle l’aimait depuis le début mais tout ce qu’elle faisait c’était obéir à Edward. Elle voulait le tuer. Bon c’était différent maintenant selon ce qu’elle venait de dire mais le coup avait été dur. Il lui avait fait confiance et avait eu tort. Logan avait bien eu raison. Il ne pouvait faire confiance à personne. Il ne savait pas comme réagir. Il était en colère mais surtout il était déçu. C’était comme un dernier coup de poignard dans le dos. Phil était à bout. Il savait que ce n’était pas la faute de Flore si elle était née chez les Black Wings, mais une part de lui était profondément blessée par tout ça. Il se leva sans rien dire et regarda Flore un instant. Il ouvrit la bouche comme pour parler mais ne dit rien et se contenta de passer à côté d’elle pour sortir du café d’un pas rapide. C’était la première fois qu’il pouvait dire qu’il aimait une fille et voilà où ça l’avait amené…

Il marcha un moment, essayant le plus possible de s’éloigner de cet endroit sans regarder derrière lui. Phil alla se réfugier là où il croyait qu’on ne viendrait pas le déranger. Il se rendit aux ruines de l’ancien hôpital. Depuis le temps, il ne restait plus grand-chose, la ville en avait ramassé une bonne partie mais certaines parties du bâtiment tenaient encore debout. Il s’empressa de se réfugier dans le coin d’une pièce. C’était sombre et humide mais ça lui faisait du bien. Il se recroquevilla sur lui-même et ne put retenir ses larmes plus longtemps. Phil avait l’impression d’avoir été abandonné une fois encore. Son père d’abord, puis Sven, Logan et finalement Flore…Il ne lui restait que sa mère. Phil adorait Lou, il n’avait jamais connu une personne avec un cœur si pure mais ignorait si ça serait suffisant pour espérer garder la tête hors de l’eau encore longtemps. Il avait toujours eu l’impression que quelque chose dans son regard s’assombrissait lorsqu’elle le voyait. C’était vague, infime, mais il le voyait clairement. Au fond de lui-même, il savait que même si Lou l’aimait de tout son corps, même si elle lui dirait toujours le contraire, il resterait toujours un souvenir vivant de l’agression qu’elle avait subie. Phil resterait toujours le produit de la violence, de la folie et de la barbarie et même l’amour aveugle d’une mère dévouée ne saurait changer ça. Un jour, elle n’en pourrait plus elle aussi et elle partirait.

*Ne t’en fais pas Phil, je ne te laisserais jamais tomber moi.*

Qui avait dit ça…Phil releva la tête et regarda autour de lui. Il n’y avait personne mais pourtant il était certain d’avoir entendu quelqu’un.

*Philippe, je vais t’aider moi tu vas voir. Ils ne te feront plus jamais souffrir*

Cette fois il n’avait pas halluciné. Il était certain que quelqu’un lui avait parlé. Il faisait sombre dans cette petite pièce mais il ne décelait aucune silhouette, aucun mouvement, il était seul. Un peu inquiet, sentant le danger, il se leva tranquillement.

- Qui est là? Vous êtes où?

Ça sentait le piège.

*Ils ne t’auront pas Phil. Je serais toujours avec toi. Ils ne t’aiment pas, tout ce qu’ils veulent c’est te faire du mal. Mais tous les deux, on est bien plus futé qu’eux. Ton père était un imbécile, il ne savait pas profiter de ce qui lui était offert. Mais nous, nous avons tout ce qu’il faut. Sven était un idiot. Il ne savait pas contrôler son potentiel. Mais nous, nous savons ce qui est important. Le plus important c’est le pouvoir. Flore a voulu te charmer, nous allons faire de même. On va se venger.*

Qui c’était…et pourquoi il savait tout ça? Phil secoua la tête un moment. Il réalisa alors que ce n’était pas quelqu’un dans la pièce qui lui parlait. Non…ça n’allait pas lui arriver, pas question! Phil frappa contre le mur avant d’y appuyer sa tête.

- Non…non tu vas me laisser…

*Je suis là pour toi Phil. Tu as besoin de moi.*

- Non!

Phil sentit un violent frisson lui traverser la colonne et se laissa glisser le long du mur jusqu’à se retrouver à genoux. Il ne voulait pas que ça arrive. Ça avait toujours été sa pire crainte depuis qu’il avait appris que le fou dont tout le monde parlait était son père. Mais voilà, il l’avait entendu, il ne pouvait le nier, cette voix était dans sa tête. Il paniquait alors que la voix devenait de plus en plus forte. Il entendait un étrange bourdonnement dans ses oreilles, comme si tout était silencieux autour de lui à l’exception de cette voix. Tremblant de tout son corps, il s’empressa de fouiller dans ses poches. Les mains tremblantes, il sorti son téléphone cellulaire et essaya de composer un numéro. Il ne voulait pas rester tout seul avec cette voix. Il ne voulait pas devenir comme ça. Phil essayait de ne pas l’écouter mais c’était comme si quelqu’un enfonçait des aiguilles dans sa tête. Il ne réussit pas à composer un numéro tant il tremblait. Tout ce qu’il réussit à faire fut d’appuyer sur le dernier appel qu’il avait fait, à Flore. Il n’arriva pas à parler quand il entendit sa voix. Phil ne pouvait que sangloter. Il laissa tomber son téléphone et posa les mains contre sa tête.

*Elle ne viendra pas Phil. Je suis le seul qui va t’aider.*

- Non!...laisse-moi…laisse-moi…

Phil était en état de panique. Il n’y avait pas d’autres mots pour le décrire. Il avait littéralement l’impression que sont monde s’effondrait autour de lui, qu’il était coincé dans un cauchemar dont il ne pouvait se réveiller. En essayant d’appeler de l’aide, il n’aurait pas cru que ça aurait pu marcher. Jamais il ne se serait imaginé que Flore arriverait ainsi…sorti de nulle part. Comment elle avait fait d’ailleurs? Elle lui posa une main sur l’épaule et il sursauta comme si elle l’avait giflé. Flore prit alors ses mains et se mis à sa hauteur. Phil releva un peu la tête pour la regarder. Il était si content de la voir. La voix avait eu tort, Flore ne l’abandonnait pas. Il vit qu’elle lui parlait. Il entendait des bribes de mots mais ce bourdonnement continuait dans ses oreilles.

*Elle dit n’importe quoi. Elle veut t’embobiner pour mieux te tuer c’est tout. Il n’y a qu’à moi que tu peux faire confiance.*

Il n’arrivait pas à le faire taire. Il entendait Flore, il entendait la voix, tout s’entremêlait. Il était totalement perdu. C’est alors qu’elle l’embrassa. Phil ouvrit grand les yeux. Le bourdonnement dans ses oreilles cessa aussitôt. Qu’est-ce qui se passait? Il sentit un nouveau frisson le long de sa colonne mais il n’était pas du tout aussi désagréable. Instinctivement, il passa ses bras autour d’elle pour l’attirer contre lui. Soyons honnête. Flore n’était pas la première fille que Phil embrassait. Certes, sa réputation était un peu exagérée mais il ne chômait pas non plus avec les jolies filles. Pourtant, c’était la première fois qu’il pouvait dire qu’il ressentait vraiment quelque chose pour une fille.

- Flore…

Souffla-t-il simplement avant de reposer ses lèvres contre celle de la jeune fille. Il aurait voulu l’embrasser plus tôt, avant de savoir tout ça sur elle. Avant de savoir qu’elle était sensée le tuer, alors qu’ils étaient tout juste sorti de l’école. Mais il ne l’avait pas fait ce jour-là. Mais cette fois il ne la lâcha pas et l’embrassa encore.

*Oui, bonne idée. Si tu l’as met de notre côté Phil, nous serons plus fort, elle pourra être très utile.*

En entendant cette vois, Phil recula. Il se retrouva adossé au mur et regarda Flore un instant. Il ne savait pas comment le lui dire. Elle aurait sans doute peur. Il deviendrait peut-être un monstre…Il ne le voulait pas. Il ne voulait pas de cette voix mais elle était bel et bien là.

- Flore…je l’entend…dans ma tête…

Phil aurait voulu passer un bon moment avec elle, la serrer contre lui devant un film complètement nul dans une salle de cinéma. Mais ils étaient là tous les deux, dans une pièce en ruine de l’ancien repaire des Black Wings.

Elle ne semblait pas comprendre ce qui effrayait tant Phil. Peut-être qu'elle n'était pas consciente de ce qui avait conduit Edward à la folie. Phil le savait, on lui avait raconté comment son père était avant et comment il avait changé. Il avait peur que ça lui arrive et espérait simplement que son imagination lui jouait des tours avec tout ce qui avait pu lui arriver. Mais la voix avait eu tort, Flore était là et ne l'abandonnait pas. Elle était peut-être sensé le tuer mais maintenant qu'Edward n'était plus, elle n'avait plus besoin de le faire. Et il fallait l'avouer, aucune fille ne lui faisait cet effet. C'était une Black Wings mais peu importe, il était bien un Solcier et ce n'était pas par choix non plus. Avoir eu le choix, Phil ne sait pas de quel côté il aurait été. C'était une question qu'il n'avait jamais voulu se poser par crainte de la réponse. Philippe ne se considérait pas comme quelqu'un de bien, ni comme quelqu'un de fondamentalement mauvais. Flore lui rappela que sa proposition pour le cinéma tenait toujours mais Phil n'était plus certain que ce soit une bonne idée.

- Je veux juste sortir d'ici...

Normalement, cet endroit était un lieu où il se sentait en paix et capable de réfléchir mais ce jour-là c'était different. Il n'était plus certain de vouloir revenir là encore après ça. Il se releva, tremblant un peu et en gardant Flore près de lui.

- Merci d'être venue.

Il ne savait pas comment elle avait fait pour le trouver ou pour arriver si vite mais peu importe. Elle était là et c'était tout ce qui comptait. Ils sortirent dehors pour se retrouver sur le grand terrain vague qui abritait autrefois le repère des Black Wings. Phil se détendit un peu. Instinctivement, il prit la main de Flore dans la sienne.

- Désolé pour ma réaction...j'ai eu peur. Je sais que ce n'est pas un choix que tu as fait mais de ne pas me tuer ça c'était un choix.

On ne choisissait pas sa famille. Ça il le savait mieux que quiconque avec son demi-frère monsieur parfait et son beau-père qui n'était qu'un salaud qui brisait le cœur de sa mère. Et puis, connaissant Edward, il avait sûrement d'autres frères et sœurs quelque part...Au moins, Flore n'en était pas une! Il marcha tranquillement vers le cinéma. Il n'était pas pressé d'y arriver et être avec elle lui faisait du bien. La voix semblait s'être calmée mais il se disait que ce n'était pas gagné.

Il se sentit un peu mal à l’aise quand elle lui dit qu’au fond il était un Solcier et un bon gars. Phil craignait de la décevoir. Il n’était pas un Solcier, il n’était pas du tout comme son beau-père et son demi-frère qui eux constituaient le Solcier idéal… Il se contenta de se taire, préférant ne pas se planter tout de suite. Soudainement, Flore se volatilisa sans raison apparente. Surpris, Phil regarda autour en l’appelant. Elle ne devait pas être allée très loin. Et puis, de toute façon, comment elle avait fait? Il ne savait pas qu’elle avait un pouvoir comme ça. Elle était devenue invisible? Aussi rapidement qu’elle avait disparue, elle revint contre lui, sorti complètement de nulle part. Il ne comprenait pas du tout ce qui se passait et Flore semblait aussi perdue que lui.

- Qu’est-ce qui t’arrive…c’est pas normal.

Si c’était un pouvoir elle l’aurait déjà connu avant, non? Phil ne connaissait qu’une personne qui pouvait se téléporter comme ça et c’était Antonin. La disparition de Flore puis sa réapparition lui avaient fait penser à ça. Lui n’aimait pas trop ses pouvoirs. Oui, se transformer en tout ce qu’il voulait ça pouvait être pratique mais de faire apparaitre les craintes des gens ça ne lui plaisait pas.

- Je connais quelqu’un qui a ce pouvoir.

Les Black Wings lui avaient-ils donné un nouveau don? Elle s’en serait rendu compte c’était rarement discret et agréable comme processus d’après ce que Phil avait pu entendre raconter. Le bon côté des choses c’était qui si c’était réellement le même pouvoir de téléportation, Phil connaissait quelqu’un qui pourrait l’aider.

- Si tu veux, chez moi il y a un bracelet qui bloque ce pouvoir. Mon beau-père s’en était servi sur celui dont je t’ai parlé quand il était petit pour éviter les accidents.

Antonin menait une vie relativement paisible depuis la prise d'otage. On l'avait rapidement soigné et il avait ainsi pu reprendre une vie normale ou presque. En effet, depuis ce jour, il se posait beaucoup de questions sans jamais savoir comment obtenir des réponses. La plupart de ses questions concernaient principalement la femme à laquelle il avait été confronté. Elle lui avait laissé l'impression qu'elle le connaissait mais surtout qu'elle lui en voulait pour quelque chose et ça le faisait tourner en bourrique. Comment pouvait-il la connaître, elle était une Black Wing. Il faut dire qu'Antonin était conscient qu'Edric ne lui avait pas tout dit. Des siècles étaient passé et pourtant il ne gardait aucun souvenir entre le soir où sa condamnation à la pendaison avait été prononcée et le moment où il avait retrouvé son maître dans ce monde qui lui semblait si étrange. Sans en parler, il avait fait plusieurs recherches pour comprendre ce qui avait pu se passer mais tout ce qu'il avait pu trouver c'était des livres de science-fiction à propos de machine a voyager dans le temps et de vortex spatio-temporel. Il avait un peu de mal à voir comment ces choses auraient pu tout bonnement apparaître dans sa cellule. Alors, il se mît à se demander comment Edric avait pu se retrouver là lui aussi. Il avait donc posé la question, pas à son maître qui n'appréciait pas sa curiosité sur son passé mais à ceux qu'il considérait comme des petits frères et qui eux s'étaient déjà fait raconter les histoires d'Edric. Il n'en fallut pas plus pour qu'il comprenne que son maître avait survécu tout ce temps et il se dit alors que c'était peut-être ce qui lui était arrivé. Charmant constat mais qui ne faisait que créer de nouvelles questions dans son esprit. Comment avait-il pu vivre si longtemps sans vieillir? Car après tout il avait sept ans dans le passé et dans ce qui était devenu le présent. Il n'avait commencé à grandir qu'ensuite. Pourquoi ne se souvenait-il de rien s'il avait vécu tout ce temps? Antonin n'osait pas en parler à Edric qui lui avait bien fait comprendre qu'il ne voulait pas discuter de ça. Pourtant, il ne pouvait pas vivre sans jamais le savoir! Les expériences du passé sont se construisent une personne...comment pouvait-il comprendre qui il était alors?

Antonin était assis sur la petite colline surplombant l'entrée de la mine. Il était en train de réfléchir à tout ça quand un Solcier vint le prévenir que Phil l'avait appelé pour qu'il lui amène le bracelet. Oui, il avait un téléphone mais jamais sur lui car il n'avait jamais été très à l'aise avec ces bidules et avec l'idée que quelqu'un pouvait l'appeler n'importe quand. Le bracelet, ça faisait longtemps qu'il ne l'avait plus et il ne savait pas ce qu'Edric avait pu en faire. Il se contenta donc de rejoindre Phil les mains vides et fut étonner de le voir avec une fille. Il regarda Flore un moment, ne pouvant s'empêcher de se dire qu'elle lui rappelait quelqu'un sans arriver à savoir qui. Il resta silencieux. Quelque chose au fond de lui le dérangeait profondément mais il ne savait pas quoi et ça le rendait encore plus fou.

Phil fut surpris de le voir arriver si vite. Normalement quand il l'appelait ça prenait un certain temps avant qu'il n'ait le message et la description de l'endroit où il était. Il n'avait pas le bracelet non plus mais peut-être qu'il ne l'avait pas trouvé. C'était dommage pour Flore mais au moins elle avait quelqu'un qui pourrait peut-être l'aider avec son pouvoir. Il ne pensait pas du tout qu'il ait pu exister un lien de parenté entre Flore et Arl. Antonin était trop jeune pour être le père de Flore. Peut-être qu'ils avaient le même père? Ça aurait été surprenant. Théoriquement, Antonin venait du passé comme Edric...sauf que ce n'était pas pareil ça semblait plus compliqué. De toute façon Phil n'avait pas envi de se perdre là-dedans.

- Flore, je te présente Antonin, il a le même pouvoir que toi.

- C'est pour ça que tu m'as fait venir? lui qui avait cru que c'était pour quelque chose d'urgent, pas pour quelque chose d'aussi futile que de comparer des pouvoirs. Il faut dire qu'Antonin était aussi un peu grognon car avec toutes les questions qui lui trottaient en tête il avait beaucoup de mal à dormir.

- C'est nouveau pour elle. Elle ne le maîtrise pas très bien. Voilà qui était déjà un peu moins insignifiant.

- Ho je vois, Flore c'est ça? Il lui sourit enfin, révélant par le fait même les quelques cicatrices que les rats avaient laissées. Il était quand même en meilleur état qu'avant mais ça il ne le savait pas. Tout est une question de calme et de contrôle. Paroles qui, venant de ce bouffon, étaient assez drôle à entendre. Il lui tendit la main.

- Dit moi Flore, quel est l'endroit où tu te sens le mieux au monde?

L'endroit qu'elle se sentait le plus en sécurité? Elle n'en avait aucune idée en fait. À une place il y avait des Black Wings et à l'autre, on n'y trouvait sa stupide mère. Il n'y avait pas vraiment un endroit sécuritaire pour elle. Elle ne sut donc pas quoi répondre au jeune homme qui venait d'apparaitre devant eux. Ce ne pouvait pas être si compliqué pourtant. Il devait bien avoir un endroit. Flore ouvrit la bouche, mais rien ne sortit, elle réfléchit à sa chambre, mais soudain, elle s'évapora aussi vite qu'elle était arrivée, Elle apparu dans sa petite chambre et recula en essayant de reprendre ses esprits. La jeune sentait vraiment qu'elle allait vomir.  Pourquoi ça lui arrivait maintenant? Elle devait avoir un moment calme et amusant avec Phil. Flore tenait sa tête entre les mains. Son cerveau ne suivait pas du tout ce qui se passait. Son corps ne voulait pas non plus coopéré. Elle s’assit et tenta de repenser à Phil. Elle ne voulait pas revivre cette drôle de sensation, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Il fallait qu’elle retourne voir Phil et l’inconnu.

Elle s’assit tremblante et repensa à l’endroit qu’elle les avait quittés. Cette fois-ci, cependant, rien ne se passait. Elle tenta de se déplacer de nouveau, mais toujours rien. La jeune était blême et paniquait un peu. Ce n’était pas une bonne chose du tout. Elle ne voulait pas se mettre à se déplacer comme ça sans le moindre contrôle. Et si elle se téléportait dans un mur? Juste cette idée la terrifia alors qu'elle secouait la tête pour ne pas penser à ce qui risquait de lui arriver si elle se trouve décapitée dans les murs de béton. Non, non il fallait penser à autre chose...

Elle réapparu proche des deux Solciers les mains sur la tête. Elle gardait les yeux fermer. Elle ne disait rien. Il fallait qu'elle se calme un peu.

- J'ai pas d'endroit que je me sens bien...

Ça en disait beaucoup sur ses tourments dans sa vie de tous les jours.

Antonin voulait faire de son mieux mais c'était difficile d'expliquer à quelqu'un ce qui était pour lui tout à fait naturel. Pourtant, il voulait l'aider. Il fut surpris de la voir disparaître si soudainement. Phil s'inquiéta de ne pas savoir où elle était et il tenta de le rassurer. Si elle ne revenait pas très bientôt il irait la chercher. Heureusement, Flore réapparu. Elle semblait particulièrement affecté par tous ces déplacements et Phil la soutint pour la garder debout. Elle paniquait et ça ne faisait qu'aggraver la situation.

- Flore, donne moi ta main, je vais te montrer mon endroit préféré.

Phil ne s'inquiétait pas. Antonin était comme un frère, il lui faisait confiance et il était trop vieux pour Flore de toute façon. Antonin pris la main de Flore et disparu avec elle. Il réapparu dans une grotte. C'était un endroit paisible, une petite cascade alimentait le ruisseau qui s'écoulait le long de la parois rocheuse et un trou dans le plafond laissait entrer un peu de lumière. Pourtant, malgré toute cette ambiance paisible, quelque chose de lourd semblait se trouver dans l'atmosphère. Sur une parois, dans la partie obscure de la grotte étaient gravés plusieurs symboles. Des images ou du texte? Impossible de la savoir car la lumière ne permettait pas de les voir. Il n'était possible que de les sentir vaguement en passant la main contre la roche.

- Il faut que tu apprennes à rester calme. C'est toi qui contrôle ton pouvoir. Ce don lit tes désirs et tes craintes.

Il s'assit sur une pierre. Antonin ferma les yeux un moment. Il adorait cet endroit mais parfois il avait peur d'y venir. Il lui arrivait de perdre la notion du temps et de revenir à lui pour réaliser que des heures avaient passé alors qu'il était certain de n'être là que depuis dix minutes. Il ressentait le besoin d'y aller parfois, comme si c'était une nécessité. Il rouvrit les yeux et regarda Flore.

- Qu'est-ce qui t'effraie Flore? Que crains-tu le plus?

Antonin observa Flore. Elle semblait paniquer ce qui était tout à fait compréhensible. Il se sentait lui-même assez bizarre. C’était comme s’il était en train de s’endormir ou du moins son esprit s’endormait tranquillement mais son corps était toujours bien alerte. Avant qu’il ne puisse essayer de se lever pour se remettre les idées en place, ce fut le noir total. Du moins, pour Antonin. Arlequin lui venait enfin d’ouvrir les yeux. Il avait beaucoup faiblit. Sans le masque sa force était déjà moindre mais Antonin lui était aussi de plus en plus fort. Se repère était l’un des seuls endroits où il pouvait encore prendre le contrôle. En apparence, rien n’avait changé chez lui. Flore ne pouvait sans doute pas voir la différence sauf peut-être dans sa façon de parler.

- Ce n’est pas très gentil de parler comme ça jeune fille. Je sais que tu caches quelque chose.

Arlequin se leva d’un pas léger. Il marcha un moment, tentant de se souvenir où il l’avait mis. Finalement, il trouva le bracelet et retourna vers Flore. Avec un sourire se voulant rassurant, il prit le poignet de la jeune fille.

- Voilà il va t’éviter de te retrouver n’importe où.

Il referma le bracelet sur son poignet. Au début, ce n’était pas du tout agréable. Le tour intérieur du bracelet était couvert de minuscules aiguilles qui injectaient la solution annulant les pouvoirs dans le corps de celui qui le portait. La solution était ensuite récupéré dans le sang puis réinjecté et ce à l’infini, permettant d’annuler les pouvoir de celui qui le portait. Arlequin n’était pas un tendre. Il ne faisait rien pour rien. Maintenant qu’elle avait le bracelet, elle ne pouvait pas s’enfuir et comme il fallait utiliser deux mains pour le retirer, elle ne pouvait pas l’enlever seule.

- Et maintenant, si tu me révélais ce petit secret que tu tentes malhabilement de cacher hein? De toute façon, tu ne peux pas partir d’ici sans moi maintenant alors je crois qu’il est temps que tu parles.

Arlequin faisait bien attention. Il devait se contrôler pour ne pas se vendre. Ce qu’il disait restait crédible pour un Antonin bien intentionné qui s’inquiétait pour ce pauvre petit Phil. Pas le moindre instant il ne songea qu'il était en fait face à sa fille.

Arlequin la regardait s’affoler comme un animal en cage. Ça lui rappelait beaucoup de choses. Cette odeur distinctive de la peur qui montait, ce léger tremblement de voix suppliant dans une voix paniqué. Se contrôler devenait de plus en plus difficile. Ça faisait si longtemps qu’il attendait de pouvoir ressurgir. Antonin avait été très fort dans les dernières années mais cette grotte avait quelque chose qui l’aidait à reprendre des forces. Mais s’il ne se contrôlait pas, elle révélerait ce qu’il était.

- Tu vas me dire la vérité. Je sais que tu n’es pas quelqu’un de bien petite, je le sens.

Elle s’affolait et voulait retirer le bracelet. Le visage d’Arlequin s’illumina d’un sourire bien particulier. Il savait très bien qu’elle était coincée, prise dans son piège. D’un geste vif, il saisit son poignet.

- Tu es des leurs n’est-ce pas? Je le sens, tu caches quelque chose et tu ne sortiras pas d’ici avant d’avoir parlé.

Il essayait de faire bien attention. Oui, ses agissements étaient un peu étranges, il avait changé dans sa posture et dans sa façon de parler mais les questions qu’il posait faisaient en sorte que ça restait crédible. Antonin aurait très bien pu lui poser ce genre de questions. Il aurait pu avoir des doutes et tenter de savoir si elle allait essayer de nuire à Phil mais Arlequin avait une toute autre intention en posant cette question.

Elle se libéra de sa prise mais qu’importe, elle était prise au piège. Instinctivement, Arlequin porta sa main à sa ceinture mais se rappela que ses dagues ne s’y trouvaient plus, encore à cause de ce foutu Antonin.

- Inutile d’avoir peur mademoiselle la Black Wing.

Oui, il le savait, il sentait cette aura qui l’entourait. Il reconnaissait l’essence de son maître qui avait laissé sa marque sur cette jeune fille à l’apparence si douce. Il s’approcha d’elle, elle ne pouvait pas aller plus loin. D’un geste presque délicat il passa une main sur la joue de Flore. Devant son regard tétaniser, s’imaginant sans doute ce qu’il pourrait lui faire, Arlequin se mit à rire. Ce rire si distinctif du bouffon n’avait pas retenti à Keth depuis bien des années.  Elle avait peur, pourtant, sûrement pas des bonnes choses. Peut-être avait-elle entendu parler d’Arlequin, cette assassins traitre aux siens, il en doutait.

- Qu’est-ce que je pourrais bien te faire? Je suis très doué pour délier les langues tu sais.

Oui, on pouvait sans doute très mal interpréter ses propos. En fait, pour Arlequin, il n’y avait rien de sexuel dans ce qu’il venait de dire, tout n’était que du pur sadisme et la satisfaction qu’il retirait de la souffrance des autres ne résultait que de ce sentiment du devoir accompli, se besoin de faire taire cette soif de sang.

- Je vais être gentil cette fois, on va jouer à un petit jeu tous les deux. Il recula un peu et se dirigea vers la partie obscure de la grotte. Elle ne pouvait plus le voir mais l’effet d’écho de la caverne donnait l’impression que sa voix venait de partout à la fois. « Je te laisse deux minutes pour bien te cacher, ensuite mes amis et moi on va te chercher, si on t’attrape, tu parleras crois-moi. » Un nouvel éclat de rire raisonna dans la caverne alors qu’Arlequin se mit à compter doucement. Parfois, entre les nombres, il laissait échapper un petit gloussement. On aurait véritablement dit un petit enfant mais avec une touche malsaine inquiétante. Après être arrivé à soixante, il s’arrêta subitement. « Ho j’ai oublié de te dire, mes amis n’ont peut-être pas ma patience. » Alors même qu’il prononçait ses mots, de l’obscurité de la grotte provinrent des petits couinements, des bruits de griffes contre la pierre, des milliers.

Arlequin s’amusait bien. Ça faisait longtemps qu’il voulait sortir et reprendre le contrôle de ce corps qui avait été si longtemps le sien. Maintenant qu’il avait repris le dessus, qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir faire. Les possibilités étaient plus que nombreuses. Mais au fond il savait très bien ce dont il avait envi. C’était un choix facile à faire, Arlequin avait une place à reprendre. Les rats couinaient, leurs petites pattes grattaient la pierre alors qu’ils accouraient des profondeurs, répondant à ce signal de leur nouveau maître. Les petits rongeurs affamés se mirent en quête de cette victime offerte qui tentait de fuir. Au moment où ils approchèrent de Flore, Arl les arrêta. Il avait besoin d’elle pour le moment. Flore était coincée, les rats la fixaient de leurs petits yeux noirs luisants. Arlequin s’approcha lentement, cet étrange rictus toujours scotché au visage. Son masque lui manquait mais il ne savait pas du tout où cet idiot d’Antonin avait pu le laisser. Il aurait pu en faire apparaitre un, mais il tenait à retrouver lui-même l’original.

- Flore Flore Flore, tu n’as pas compris encore? Ça ne sert à rien d’essayer de fuir. Tu partiras d’ici quand je te laisserais.

Il fit quelques pas de plus vers elle. Arlequin adorait contrôler la situation, savoir qu’il avait le pouvoir de vie et de mort sur quelqu’un. Pourtant, il n’avait aucunement l’intention de la tuer.

- Tu as de la chance, j’ai besoin de toi vivante pour le moment. Tu vas retourner chez tes petits amis et leur dire qu’Arlequin va bientôt venir leur dire bonjour.

Est-ce qu’Arl se souvenait de Lully? Oui, d’une certaine façon. Est-ce qu’il la pensait morte? Très probablement, il ne voyait pas comment elle avait pu survivre avec Edward. De toute façon, qu’est-ce que ça changeait. Il allait retourner chez les Black Wings, il allait retourner tuer, torturer, être heureux enfin. Antonin lui devait bien ça, il lui avait sauvé la vie à plus d’une reprise. Arlequin attrapa le poignet de Flore. Il la téléporta près de la forêt. Il respira un grand coup et renvoya les rats, c’était un nouveau début, le retour du bouffon.